Lettre de l’intersyndicale des retraités
Posted by dsinterim sur avril 16, 2020
Lettre de l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, FGR-FP et LSR du Doubs), 10 avril 2020 :
Monsieur le Préfet,
Madame la Présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté,
Monsieur le Directeur général de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté,
Madame la Présidente du conseil départemental du Doubs
Nos organisations de retraité·es, CGT, CGT-FO, FSU, Solidaires, FGR-FP et LSR du Doubs s’adressent à vous solennellement pour vous faire part de leurs plus vives inquiétudes concernant les conséquences de la crise sanitaire liée à l’épidémie du COVID-19 en particulier sur les personnes âgées et pour exiger que des mesures immédiates soient prises.
Dans les EHPAD et pour les aides à domicile, qui ont été les derniers à être pris en compte au détriment de leur santé et de celle de personnes âgées, pourtant très fragiles, il faut remédier le plus rapidement possible à la pénurie de gants, masques de protection FFP2 et FFP3, écrans faciaux, lunettes de protection, blouses d’isolement, gel hydro-alcoolique, etc. afin que les personnels soignants et de service se protègent et protègent les résidents. Il est inacceptable que les personnels aient engagé leur santé face à l’incurie de l’Etat … Ainsi en particulier dans les
EHPAD, mais aussi dans les hôpitaux et les MARPA, les personnels sont obligés de faire appel à leur propre réseau privé pour obtenir du matériel auprès des entreprises, des artisans voire des particuliers comme à l’hôpital de Baume-les-Dames ou à l’EHPAD de Mamirolle.
Le bouleversement que crée cette situation nouvelle est un véritable tremblement de terre dans les services des EHPAD, pour les soignants comme pour les patients.
Les conditions de travail pendant la première semaine du confinement à Besançon ont été marquées par une succession d’injonctions contradictoires. Ce qui était fait la veille n’était plus valable le lendemain, ce qui représentait une grande angoisse pour tout le personnel. Cela était dû en particulier à l’absence de protocole, lié à une grande impréparation, d’un manque de prévision ayant entraîné un manque de matériel. Au départ les soignants avaient deux masques pour huit jours. Fort heureusement, aujourd’hui ils en ont deux pour huit heures. C’est dire combien elles et ils ont été exposé·es et d’ailleurs nombre d’entre eux ont été contaminés. Nous exigeons des conditions de travail définies dans l’intérêt de tous et qui ne mettront pas en danger l’équilibre psychique des soignants.
Il faut aussi renforcer les effectifs, car les personnels des EHPAD étaient déjà en nombre insuffisant, et soumis à une charge de travail supérieure par rapport à la moyenne de l’Union Européenne.
Depuis la crise, elles et ils voient leurs missions s’alourdir, puisqu’il faut désormais veiller au confinement de chaque pensionnaire dans sa chambre et lui apporter voire lui donner son repas. De plus, une partie du personnel ne peut assurer son service (malades, garde des enfants à domicile). Et il faut assurer les tâches antérieurement assurées par les « aidant·es » et les nouvelles. Toute l’organisation du travail en a été bouleversée. La nature même des services ne correspond plus à l’organisation ancienne. La situation en ricochet qui consiste à accepter de désengorger une
structure voisine, qui elle-même doit accueillir des patients de l’hôpital, a rendu les services « autonomes » ce qui signifie pour les soignant·es qu’il n’y a plus, par exemple, de passage du nettoyage et que ces personnels doivent tout désinfecter, ce qui n’était pas dans leurs tâches habituelles. Cela représente une surcharge de travail lourde et très angoissante et explique pour partie l’importance de l’absentéisme qui a, d’ailleurs, toujours été important, jusqu’à 20 % avant le confinement. Alors qu’avant, le personnel n’était pas remplacé, il l’a été par des élèves infirmiers de la Croix-Rouge payés comme s’ils étaient en stage c’est-à-dire 50 € par semaine : une belle
exploitation. Nous exigeons des créations de poste proches du ratio « un emploi pour un résident » et des salaires dignes pour les stagiaires.
Nous craignons que l’appel aux bonnes volontés que nous pouvons saluer ne suffise pas pour faire face aux besoins. L’urgence est de rendre attractifs ces métiers comme le préconisent les différents rapports sur le Grand Âge, en leur fournissant les moyens nécessaires, en revalorisant fortement les salaires, en augmentant les effectifs et en améliorant les conditions de travail, conditions nécessaires.
Les personnels utilisent les transports en commun pour se rendre à leur travail, il leur faut des dispositifs protecteurs à utiliser à l’extérieur pour limiter les risques de contamination extérieure, voire permettre l’accès gratuit aux transports par taxi.
La crise actuelle crée de graves préjudices pour les patients. Nous avons pu lire dans l’Est Républicain du 1er avril sous le titre « les soins s’organisent dans le Nord Franche Comté » : « A la sortie de l’hôpital, certaines personnes de plus de 65 ans ne pourront pas rentrer directement chez eux parce qu’elles auront besoin de soins assez complexes. Dans cette entre-deux elles pourront être accueillies en EHPAD ». Comment peut-on penser que l’âge de 65 ans est un âge décent pour mourir ? Vous connaissez l’état des EHPAD aujourd’hui et le nombre de décès dus au Covid-19.
L’atmosphère pour ces personnes, souvent très âgées, est devenue incompréhensible. Elles n’ont plus de contact, leurs familles ne peuvent plus venir leur faire supporter le quotidien, le téléphone n’a pas grand sens pour elles. Il leur faudrait éventuellement des tablettes mais ce genre d’outil n’existe pas en ces lieux. D’ailleurs il n’y a plus personne dans les couloirs. La tristesse est accablante. Et que dire de l’évolution de leur propre situation ? Elles ne marchent plus et vont devenir grabataires. Pour celles qui comprennent la situation, elles ont perdu le moral et se laissent aller, victimes du phénomène de glissement bien connu des soignants.
Les personnes âgées isolées doivent être recensées et bénéficier des mesures nécessaires, notamment pour leur ravitaillement, pour rompre cet isolement. Cela passe aussi par des moyens de protection pour toutes les personnes qui leur viennent en aide, que ce soit dans le cadre d’un service public ou d’initiatives solidaires spontanées.
Ce manque de moyens était connu, nous l’avons dénoncé dans la rue et dans des motions que nous avons déposées notamment auprès de vous. Alors aujourd’hui, nous lançons un cri d’alarme en constatant combien nous avions raison de nous inquiéter ! Début avril, la presse a fait état de plus de 800 décès dus au Covid-19 dans les EHPAD en France. Nous avons connaissance du plan élaboré par la Direction de l’investissement de la Banque des territoires, chapeautée par la Caisse des Dépôts et Consignation sur une commande de l’Elysée. Cette note rédigée par Adelphe de Taxis du Poêt et Pierre Menet est certes provisoire, mais nous exigeons que ce projet néolibéral sur l’hôpital ne soit pas retenu par le Président de la République car il est à l’opposé de ses propos tenus à Mulhouse le 25 mars 2020
Maintenant, conformément à la loi du 30 juin 2004, nous vous demandons de mettre en place le plan d’alerte et d’urgence dans toutes les communes du département, ce qui est de votre responsabilité, au profit des personnes âgées, handicapées, des plus vulnérables du fait de leur isolement ainsi que des sans domicile fixe, pour leur demander leurs besoins particuliers, leur rappeler les gestes barrières, leur communiquer un numéro de téléphone non surtaxé à appeler en cas d’urgence, leur proposer le portage à domicile des repas, des courses et/ou des médicaments.
Nous savons bien que la situation catastrophique des services de santé vient d’une politique menée depuis des années par les gouvernements successifs sur la base des principes de la rentabilité du soin médical et de la prise en compte des emplois des personnels de santé comme une variable d’ajustement comptable. Ces politiques ont entraîné le retrait de milliers de lits, la disparition des emplois, la baisse des budgets, la fermeture de services de santé et d’hôpitaux de proximité et la forte diminution du stock de masques. Cette pandémie a révélé au grand jour les conséquences de ces politiques de santé. Aujourd’hui, nous en payons le prix. Il faudra en tirer les leçons pour que l’état providence joue son rôle, pour que les moyens permettent aux soignants de travailler et de protéger les personnes âgées quotidiennement dans des conditions normales.
Veuillez croire, Monsieur le Préfet, Madame la Présidente du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Monsieur le Directeur général de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, Madame la Présidente du conseil départemental du Doubs en notre profond attachement à un système de santé égalitaire pour toutes et tous, personnels et patient·es.
Voir le courrier en PDF : courrier préfet
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