Une société de l’exclusion pour les personnes en situation de handicap ?
Posted by dsinterim sur février 8, 2020
Tract de l’Union Fédérale CGT de l’Action Sociale, dont certains passages résonnent particulièrement avec le discours sur la création du DITEP :
La conférence nationale du handicap 15 ans après la loi du 11 février 2005, tout un symbole !
Une société de l’exclusion pour les personnes en situation de handicap ?
La conférence nationale du handicap prévue le 11 février 2020 à l’Elysée célèbre plutôt un triste anniversaire.
La loi de 2005 postulait du fait que nous sommes tous-tes membres de la société, et donc inutile de parler d’intégration : tout devait être mis en oeuvre pour que cette affirmation de principe devienne réalité avec un système de compensations pour ceux – celles qui le nécessitent !
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : non seulement la société ne s’est pas adaptée pour favoriser la pleine citoyenneté et la vie des personnes handicapées (accessibilité du bâti, insertion dans les entreprises des travailleurs handicapés, logements aux normes facilitant la vie de nos concitoyens-nes…), mais qui plus est, le plan gouvernemental de la « société dite inclusive » laisse beaucoup de familles ou de personnes concernées sans solutions.
Si le secteur médico-social est soumis à une rationalisation financière depuis plus de 20 ans, le rapport Piveteau de 2014 a enfoncé le clou en transformant l’offre médico-sociale, fondant les orientations du gouvernement actuel.
Ainsi, l’inclusion des personnes en situation de handicap passerait par la fermeture des établissements -vécus comme lieux d’enfermement- et l’externalisation des services, la mise en place de plateformes censées apporter des solutions individualisées au regard des situations et des besoins des personnes : « la société du choix pour les personnes handicapées, un choix de société pour tous ! », d’après E. Philippe et S. Cluzel.
La réalité est bien différente :
Enfants en panne de scolarité, renvoyés aux familles, ITEP désossés au nom de l’inclusion scolaire, professionnels cantonnés à du gardiennage d’enfants à l’école pour qu’ils ne dérangent pas les autres ou à du transport entre les différents lieux du dispositif, jeunes souffrant des troubles les plus invalidants sans réelle solution avec des prises en charge atomisées sur des temps bien limités, accueil en Belgique de certain-e-s de nos ressortissant-e-s…
Dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée pour tous » et de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale (2017-2021) qui porte également le projet Serafin-PH (Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements au parcours des personnes handicapées), il peut être prévu l’accès à une place en liste d’attente dans un des services du dispositif sous un délai pouvant parfois atteindre un an ! Les plateformes de services deviennent les modalités d’excellence de la prise en charge « à la carte », moins coûteuses et plus sélectives, où exercent des professionnels, voire des auto- entrepreneurs flexibles, affiliant la prise en charge à un commerce de services. De fait, la suppression des établissements, fermeture des internats, renvoie la responsabilité de la prise en charge aux parents, à la famille laissant peu de choix, voire d’alternative aux personnes handicapées et à leur entourage proche, malgré les slogans gouvernementaux ! Entre 8 000 et 11 000 enfants se retrouvaient sans solution en novembre 2019 concernant la scolarité en milieu ordinaire d’après l’UNAPEI, pas d’auxiliaire de vie scolaire ou sur une durée insuffisante, liste d’attente pour une place en IME ou ITEP, bref où sont les solutions… ?
Concernant le marché du travail, les personnes handicapées sont particulièrement touchées par le chômage et la précarité qui l’accompagne. Travailler n’est pas une garantie contre la pauvreté, comme le souligne le rapport sur la pauvreté de l’Observatoire des inégalités : 1.1 millions de personnes travaillent et demeurent pauvres (faiblesse des revenus de travail, contrats atypiques, temps partiels…) et le handicap constitue une double peine. « […] le nombre de titulaires de l’allocation adulte handicapé s’est accru de 30 % au cours des dix dernières années, ce qui s’explique par sa revalorisation, mais peut aussi refléter un retrait du marché du travail de personnes marquées physiquement ». D’après les auteurs : « Les personnes handicapées connaissent des difficultés d’intégration dans le monde du travail en raison de leurs limitations physiques ou mentales, mais aussi de leur parcours scolaire plus difficile et d’un niveau de qualification inférieur à la moyenne. ». Et si les pouvoirs publics pallient un tant soit peu ces difficultés (AAH, invalidité ou établissements protégés) : « À une moins bonne situation professionnelle en général, s’ajoutent souvent des situations familiales difficiles qui ont aussi des conséquences sur le niveau de vie et la pauvreté des handicapés. 30 % des personnes déclarant un handicap sévère vivent seules contre 15 % de l’ensemble des 15-64 ans ; 19 % vivent dans une famille monoparentale, structure familiale davantage touchée par des bas niveaux de revenus. ».
« En conséquence, parmi l’ensemble des 15-64 ans, 19,8 % des personnes qui souffrent d’un handicap mental, et même 30,3 % quand ce handicap est sévère, vivent sous le seuil de pauvreté[47], alors que c’est le cas de 12,7 % des personnes sans handicap. Être touché par plusieurs limitations handicapantes, c’est aussi être davantage exposé à la pauvreté : un quart des personnes dans ce cas vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers quand les limitations sont sévères. ».
Un constat alarmant est également fait dans l’accès aux soins des personnes handicapées qui a obligé le gouvernement à réaliser un rapport pour en favoriser l’effectivité. Que dire de la loi Elan concernant l’habitat inclusif se réduisant comme peau de chagrin pour les personnes handicapées, signe patent de régression. Bref, la question suivante est plus que d’actualité :
Où sont les compensations promises dans la loi du 11 février 2005 ?
La société dite « inclusive » est pour l’instant loin de l’être ! Et la question du choix postulerait du fait qu’il existe plusieurs solutions offertes aux personnes concernées : accueil en établissement ou en milieu ordinaire avec soutien ou non, ces propositions doivent être complémentaires et appeler à des financements en conséquence. Jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est faire fi du travail pluridisciplinaire -éducatif, pédagogique et médical- réalisé par des professionnels qualifiés dans les institutions, même si le secteur adulte, notamment, a vu progressivement l’externalisation de certains services en milieu ordinaire avec toutes les difficultés engendrées en termes d’accès aux droits (soins…).
Les modalités actuelles retenues par les pouvoirs publics : « réponses accompagnées pour tous », plateformes de services, Serafin-PH (tarification à l’acte dans le secteur médico-social), détruisent le travail en équipe, le sens réel de l’accompagnement pour les professionnels niant l’impalpable du travail lié à la relation instaurée entre le professionnel et la personne prise en charge -objet des dispositifs-. Elles relèvent d’une vision néolibérale réductrice, comptable et technocratique de la solidarité, cloisonnent les prises en charge, les découpent en actes, atomisent le travail des professionnels, tout en détruisant la dimension d’accompagnement qui soutient l’activité.
Las de cette logique de rationalité financière à l’oeuvre ! En ce début d’année, date anniversaire de la loi du 11février 2005 « relative à l’égalité des droits, des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », nous appelons de nos voeux un projet de société respectueux de tous, faisant une place à chacun dans la vie de la cité, bien loin de la propagande gouvernementale !
Voir le tract en PDF : Communication UFAS CGT CNH_11 février 2020
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