Contrats Jeunes Majeurs : Lettre des salariés du PE2A
Posted by dsinterim sur avril 5, 2019
Lettre signée par 31 salariés de tous les services du PE2A (éducs, maîtresses de maison, surveillants de nuit, personnel administratif, psychologues, etc.) et adressée aux directions de l’établissement, du secteur et à la direction générale de l’ADDSEA. A qu’une pétition pour le maintien des contrats jeunes majeurs dans le Doubs peut être signée en ligne à cette adresse ou téléchargée en format papier depuis cette adresse.
Messieurs les Directeurs
Par ce courrier nous, salariés du PE2A, souhaitons vous faire part de notre inquiétude grandissante quant à la restriction des contrats jeunes majeurs. Les nouvelles directives du Département concernant les modalités d’accès aux contrats d’accompagnement jeune majeur viennent heurter nos consciences professionnelles comme nos convictions personnelles. La limitation drastique de la durée d’accompagnement jeune majeur ainsi que la discrimination des jeunes étrangers dans l’accès aux contrats jeunes majeurs constituent à nos yeux des orientations intolérables, inacceptables.
La nouvelle commande institutionnelle pourrait être résumée à ceci : Faire en sorte que les jeunes que l’on accompagne soient tous autonomes à 19 ans ou même avant, s’ils sont étrangers. Un objectif qui malheureusement pour bien des jeunes n’est ni réaliste ni réalisable. Cette injonction dévoie la notion de l’autonomie et nie le temps psychique de ces jeunes filles et jeunes garçons, elle nie leurs singularités et celles de leurs besoins, elle nie la richesse de notre travail et sa nécessaire créativité. Pour tenir cet objectif impossible nous devrions presser le pas, « faire grandir plus vite », faire avancer à marche forcée ces jeunes vers l’autonomie. Une autonomie bien souvent réduite à sa dimension financière. Pour les jeunes qui ne rentrent pas dans ce carcan normé, pour celles et ceux qui à 18 ou 19 ans sont encore loin d’être capable de se débrouiller, il nous faudrait accepter la fin de l’accompagnement. Le Contrat Jeune Majeur est devenu aujourd’hui, dans le meilleur des cas, une simple permission de prolonger de quelques semaines ou mois un accompagnement éducatif, en récompense à un projet solide. Nous ne permettons plus aux jeunes que nous accompagnons de ne pas mener de projet à 18 ans. Quel jeune peut se débrouiller seul à cet age là? Comment pouvons nous accepter de travailler la sortie de ces jeunes par une simple mise en lien avec des services sociaux qui eux aussi tendent le dos en voyant leurs moyens se réduire.
Ce nouveau cadre de travail, dessiné par les orientations départementales (qui à ce jour encore restent pour nous confuses et hétérogènes sur le territoire) ne doit pas plus que nous vous réjouir. Nous ne doutons pas que vous utilisiez les différentes rencontres partenariales pour défendre auprès de l’ASE une vision plus humaine de la mission de Protection de l’Enfance. Aujourd’hui, face aux détériorations considérables des conditions d’accompagnement (et par conséquent de nos conditions de travail) il nous paraît tout à fait nécessaire que vous preniez davantage position encore. Nous ne pouvons pas nous contenter de négociations au cas par cas, mais demandons des droits collectifs pour ces jeunes qui deviennent majeurs. Nous en appelons à votre fonction, pour entendre le mal-être des équipes et faire remonter aux responsables de l’ASE comme du Département du Doubs notre sentiment d’effectuer un travail contre productif en précipitant les jeunes vers plus de précarité.
Le jeudi 14 février, les salariés du PE2A ont massivement suivi l’appel à débrayage dans le but d’initier un mouvement de sensibilisation publique des problématiques rencontrées par les jeunes majeurs que nous accompagnons. Dans un autre registre et avec d’autres outils que les nôtres nous attendons de vous un positionnement clair et public vis à vis de ces nouvelles directives départementales. Dans la définition de ses valeurs, l’ADDSEA estime que la conquête de l’autonomie implique respect, dignité et consolidation des droits des personnes accompagnées. Notre demande à votre égard s’inscrit ainsi dans une démarche de mise en acte de ces valeurs institutionnelles.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous présentons nos considérations respectueuses.
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