Article de Libération, 27 janvier 2019 :
Moins entourées socialement et familialement, les personnes issues de l’Aide sociale à l’enfance se retrouvent souvent démunies une fois adultes.
Environ 30 % des personnes nées en France (ou arrivées avant leurs 18 ans) qui ont déjà dormi dans un centre d’hébergement temporaire, ou pris un repas dans un service de restauration gratuite, sont des anciens de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Ce chiffre, tiré d’une enquête de l’Insee de 2016, est d’autant plus frappant que, rapportés à la population générale, les anciens enfants placés ne représentent que 2 % à 3 % de la population. Comment est-ce possible, alors que le but de l’ASE est précisément de soutenir les familles en difficulté ? Pourquoi ces enfants, une fois devenus adultes, se retrouvent-ils si surreprésentés chez les précaires ? Une première explication tient à la nature même du sujet : en cas de difficultés, les ex-enfants de l’ASE ne peuvent, par définition, compter sur leur entourage de façon aussi solide qu’un enfant dont la famille se porte bien. «La situation des [jeunes majeurs issus de l’ASE] est paradoxale : il leur est demandé plus d’autonomie qu’aux autres jeunes de leur âge alors qu’elles et ils ont moins de ressources (familiales, relationnelles, psychologiques, financières, sociales)», pointait en 2018 dans un rapport le Conseil économique, social et environnemental (Cese). En décembre, l’Institut national d’études démographiques (Ined) relevait en outre que «les jeunes [issus de l’ASE] sont souvent amenés à changer de lieu de vie durant leur parcours de protection, ce qui entraîne des risques de rupture avec les sphères de l’entourage construites, voire reconstruites, au fil des années. Ainsi, à 17 ans, un jeune protégé sur cinq a déjà connu au moins quatre lieux de placement».