“Au lieux de contrôler et de sanctionner les chômeurs, il faudrait contrôler les patrons”
Posted by dsinterim sur décembre 31, 2017
Interview de notre camarade Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT central à PSA, publiée le 30 décembre par les « Inrockuptibles » :
Le groupe PSA a convoqué les syndicats de l’entreprise le 9 janvier en vue de négocier une rupture conventionnelle collective. Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central de la CGT du groupe PSA, dénonce des suppressions de postes injustifiées.
La direction de PSA vous a convoqué, avec les autres syndicats, pour négocier des “ruptures conventionnelles collectives”. En quoi consiste ce nouvel outil du Code du Travail ?
Jean-Pierre Mercier – Cela consiste à simplifier les suppressions d’emplois pour l’employeur, et à lui faire gagner des avantages financiers. C’est tout le contraire de la lutte contre le chômage de masse. Les employeurs peuvent supprimer des postes sans avoir recours à un motif de licenciement économique. C’est tout bénéf’ pour eux. C’est une loi faite sur mesure pour les employeurs, qu’ils fassent des bénéfices ou pas. Depuis des années PSA accumule des milliards de bénéfices, et pourtant ils vont activer un nouveau plan pour l’année 2018. On ne sait pas encore combien de personnes sont concernées.
Cette mesure a fait l’objet d’un décret d’application paru le 22 décembre au Journal officiel. Il y a donc un lien direct avec ce nouveau plan ?
Tout à fait. Ils ont attendu la publication du décret d’application sur les ruptures conventionnelles collectives, pour nous annoncer ce plan et nous convoquer le 9 janvier pour la négociation [il faut l’accord majoritaire des syndicats pour que le plan soit mis en œuvre, ndlr]. Quand il y a une possibilité de gagner de l’argent, Peugeot est toujours premier. Il se jette dessus. C’est bien la preuve que dans cette mesure de Macron, rien n’est fait pour les salariés.
Quel est le motif invoqué par la direction, alors que l’entreprise est bénéficiaire ?
Depuis des années elle justifie ces suppressions de postes avec des éléments de com’. Il n’y a pas de justification précise, mais les objectifs annuels de suppressions d’emplois, eux, ont toujours été précis. Depuis 2012 la direction a supprimé près de 25 000 emplois en CDI en France, dans ses usines et ses bureaux, alors que la production nationale de voiture est passée de 860 000 à 1 million de véhicules. Tout cela s’est fait à coups de plans de départs volontaires et de plans de pré-retraite non remplacés. Les derniers plans de licenciements secs remontent à PSA Aulnay et PSA Rennes. Depuis, c’est du volontariat de moins en moins volontaire, car les ingénieurs et techniciens sont mis au placard, on leur dit qu’ils n’ont aucun avenir dans l’entreprise. Dans d’autres cas ce sont des ouvriers victimes d’accidents du travail à qui on donne le choix entre un licenciement pour inaptitudes physiques ou prendre le plan de départ volontaire. Tout cela pouvait continuer. Maintenant Peugeot veut mettre le plan de RCC en place pour le 1er février 2018. C’est que derrière, il doit y avoir des avantages financiers qu’on n’a pas encore quantifiés.
“La direction a supprimé près de 25 000 emplois en CDI en France, alors que la production nationale de voiture est passée de 860 000 à 1 million de véhicules”
Quelles conséquences ces suppressions de postes ont-elles pour le fonctionnement des usines ?
C’est bien joli de pousser dehors des CDI mais il faut des bras pour faire tourner les chaînes de production et les bureaux d’études. La politique de la direction a été de prendre de plus en plus d’intérimaires, mais en nombre inférieur à celui de CDI éjectés des usines. Par conséquent, il y a une surcharge de travail pour les salariés en CDI et en parallèle une explosion de la précarité. Sur certaines chaînes de production il y a parfois 90% d’intérimaires. On a le sentiment que Peugeot ne veut plus de CDI dans ses usines. PSA veut travailler avec des précaires. Ça lui coûte moins cher, et les salariés ont moins de droits.
PSA, comme l’entreprise de prêt-à-porter Pimkie, envisagent d’avoir recours à cette mesure. Alors que la réforme de l’assurance chômage va viser à contrôler davantage les chômeurs à la rentrée, le contexte sociale en France pourrait-il devenir plus tendu ?
Je l’espère. On milite tous les jours pour cela. Les chômeurs vont être contrôlés comme des délinquants. Et en parallèle on nous sert un baratin selon lequel la priorité nationale serait la lutte contre le chômage massif ! Au lieux de contrôler et de sanctionner les chômeurs, il faudrait contrôler les patrons et les sanctionner quand ils suppriment des emplois alors qu’ils font des bénéfices. Le 9 janvier nous demanderons un plan massif d’embauches en CDI. Il faudrait embaucher tous les intérimaires qui travaillent depuis des années sur les chaînes de production. C’est comme ça que la société pourrait aller mieux. Mais pour cela, il faudrait des mobilisations. On y travaille. Ce serait un joli anniversaire qu’on pourrait faire pour Mai 68 !
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